dimanche 28 février 2016

Art et Christ en croix (2/5) : avec Velasquez, pour éclairer et briser tous nos enfermements

Page proposée par réseau Magis / Jésuites - Famille IgnatienneAprès le concile de Trente (1545-1563), l'esprit de la Contre-réforme s'oppose aux grandes mises en scène et oriente plutôt les artistes vers des représentations du Christ seul. La crucifixion ou Le Christ crucifié (ca 1632) est la plus importante des peintures religieuses de Diego Vélasquez, peintre espagnol de la première moitié du XVIIe siècle. (1599-1660). Il s’agit d’un nu, frontal et complet, sans contexte narratif où Velázquez fait une démonstration de sa maîtrise. 

Ce fascinant tableau dépeint la mort du Christ avec une force exceptionnelle. La tête de Jésus, inerte, repose sur sa poitrine, et ses cheveux en désordre cachent une partie de son visage. L’arrière-plan, d’un noir uniforme, laisse voir le Christ absolument seul.

La souffrance semble dépassée et laisse place à un ultime songe de Résurrection, dernière pensée d'une vie promise dont le corps, non plus torturé mais déjà glorieux, se fait le signe. Velasquez insiste sur la beauté physique et l'expression sereine de la figure du Christ
       
Cette semaine, nous pouvons entendre particulièrement le message du pape François adressé pour ce temps de Carême : « Que le Carême soit un temps bénéfique pour nous couper de la fausseté, de la mondanité, de l’indifférence ; pour ne pas penser que tout va bien si je vais bien ; pour comprendre que ce qui compte vraiment n’est pas l’approbation, la recherche du succès ou du consensus, mais le nettoyage du cœur et de la vie pour retrouver l’identité chrétienne, c’est-à-dire l’amour qui sert et non l’égoïsme qui nous sert.» (10/02/2016)

A l’appel du pape, nous pouvons désirer que notre cœur de pierre devienne un cœur de chair, pour ne pas rester indifférents aux appels de nos frères.

Pistes pour un temps de partage et/ou de méditation : comment est-ce que je comprends les paroles du pape François ? Est-ce qu’elles me touchent ? Que signifient pour moi la fausseté, la mondanité et l’indifférence ? Quels échos dans le monde qui m’entoure et dans ma vie de tous les jours ? (Je peux avoir en mémoire une situation concrète). Qu’est-ce que je peux / veux opposer à toutes ces tendances ?

Pour aller plus loin…
 

Le tableau a inspiré d’autres œuvres artistiques, dont le poème El Cristo de Velázquez
 (1920) écrit par Miguel de Unanumo, auteur littéraire et philosophe espagnol (1864-1936).

En qué piensas Tù, muerto, Cristo mìo ? Por qué ese velo de cerrada noche / de tu abundosa caballera negra de nazareno cae sobre tu frente? / Miras dentro de Ti, donde està el reino de Dios ; dentro de Ti, donde alborea / el sol eterno de las almas vivas. Blanco tu cuerpo està como el espejo
del padre de la luz, del sol vivìfico ; blanco tu cuerpo al modo de la luna / que muerta ronda en torno de su madre nuestra cansada vagabunda tierra ; / blanco tu cuerpo està como la hostia del cielo de la noche soberana, / de ese cielo tan negro como el velo de tu abundosa caballera negra de nazareno.

A quoi penses-tu, mort, ô mon Christ ? Pourquoi ce voile d'épaisse nuit
de ton abondante chevelure noire de Nazaréen tombe-t-il sur ton front ?
Tu regardes en Toi, où se trouve le royaume de Dieu ; en Toi, où se lève
le soleil éternel des âmes vives. Blanc est ton corps, comme le miroir
du père de la clarté, du soleil vivifiant ; blanc est ton corps à la manière de la lune
qui, morte, fait la ronde autour de sa mère, notre vagabonde terre fatiguée ;
blanc est ton corps, comme l'hostie du ciel de la nuit souveraine ;
 
de ce ciel aussi noir que le voile de ton abondante chevelure noire de Nazaréen

samedi 20 février 2016

Art et Christ en croix (1/5) : avec Cimabue, Dieu toujours plus proche


 Page proposée par réseau Magis / Jésuites - Famille IgnatienneLe Carême, temps privilégié pour faire l’expérience de la miséricorde ! Se laisser toucher, se laisser réconcilier avec le Dieu qui se donne jusqu’au bout. Cette expérience de la miséricorde et de la réconciliation, nous vous proposons d’y entrer pas à pas durant les prochaines semaines dans un parcours artistique autour de la Passion, alliant culture et prière. 

« Ce n’est qu’en se laissant illuminer par la lumière de ton Amour que l’homme et la nature entière peuvent être rachetés, que la beauté peut finalement refléter la splendeur de ton Visage, comme la lune reflète le soleil. »
Benoit XVI au sanctuaire de La Verna mai 2012

Le célèbre crucifix d’Arezzo (Italie) peint vers 1270 par l’artiste italien Cimabue (1240-1302) est représentatif des grandes croix peintes que l’on réalisait au XIIIe siècle, de par sa taille et sa forme (337cm x 267cm !). L'œuvre de Cimabué conserve l'esprit de la forme des icônes byzantines. Mais dans la composition, se lisent sur les visages les signes des sentiments, une recherche de psychologie.

Le Christ dans toute son humanité. Cimabue est l’un des premiers artistes à
affirmer un style détaché de la tradition byzantineEn effet, le Christ n’est pas figuré d’une manière hiératique, de façon raide, mais au contraire on insiste sur sa dimension humaine. Le Christ semble assoupi. De ses mains et de ses pieds, on voit couler son sang. Et son corps s’est affaissé. L’artiste a aussi voulu souligner ses masses musculaires. 

On peut aussi porter son attention aux deux extrémités des bras de la croix: sont représentés la Vierge à gauche et saint Jean à droite. L’un et l’autre sont éplorés devant le Christ. L’expression de chagrin, sentiment bien humain, est également un signe de modernité face à la tradition. Les deux personnages soutiennent leur visage dans leur main, le regard est triste. Notamment, un flot de larmes jaillit des yeux de la Vierge.

En ce début de Carême, je peux porter mon regard sur ce visage très humain du Christ, et lui présenter mes peurs, mes angoisses, ce qu’il y a d’enfermé ou de replié en moi-même. Je m’adresse à lui comme un ami parle à un ami.

Pistes pour un temps de partage et/ou de méditation
Dans quel état d’esprit suis-je entré dans ce temps de Carême ? Quelles sont les pensées qui m’habitent ces dernières semaines ? Comment je vois l’avenir ? Confiance, espérance, crainte, angoisse, etc. Très concrètement, comment ai-je commencé cette journée ? Avec quel goût ? Qu’est-ce qui m’habite ? Qu’est-ce qui me porte ou au contraire me fatigue ? Tous ces sentiments, je peux les confier au Christ.

Le Carême en 2 minutes ? parodie de Bref, version catho

dimanche 14 février 2016

Oh, when the saints ! (5/5) : saint Ignace, discerner pour « parvenir à l’amour »

 Page proposée par réseau Magis / Jésuites - Famille Ignatienne
« Chercher et trouver Dieu en toute choses ». L’expression est de saint Ignace (1491-1556, fondateur des Jésuites). Peut-être la connaissons-nous. Elle était déjà bien moderne à son époque et elle peut nous bousculer encore aujourd’hui. Cela tombe bien, c'est le début du Carême (petite retraite en ligne ?) ! 
Cette intuition spirituelle, saint Ignace l’a découverte progressivement. Il l’a reçue comme une grâce, le faisant découvrir une manière différente de prier à partir de tout ce qui faisait sa vie. Voici ce que disait un jésuite qui fut durant de nombreuses années le confident de saint Ignace :

« Par un privilège insigne, le Père Ignace vécut cette manière de prier d’une façon très particulière. Et en outre, en toutes choses, actions, conversations, comme s’il sentait et contemplait la présence de Dieu et le goût des choses spirituelles, il était contemplatif dans l’action même. Ce qu’il avait coutume d’exprimer par ces mots : il faut trouver Dieu en toutes choses ». C'est le programme même de toute vie chrétienne : découvrir Dieu au coeur de sa vie.

 A la fin de ses Exercices Spirituels, saint Ignace propose une contemplation pour parvenir à l’amour, l’Ad amorem. Il s’agit d’un exercice pour contempler l’amour en actes dans nos vies et dans le monde, pour renouveler notre manière d’être avec le Christ et nous permettre de nous offrir d’une manière créative.

Prends Seigneur et reçois toute ma liberté, ma mémoire, mon intelligence et toute ma volonté, tout ce que j'ai et possède. Tu me l'as donné ; à Toi, Seigneur, je le rends. Tout est à Toi, disposes-en selon ton entière volonté.
Donne-moi de t'aimer ; donne-moi cette grâce, elle me suffit.
(version musicale avec le MEJ)

Cette relecture de notre vie suscite une réponse d’amour de celui qui désire sincèrement se mettre au service de Dieu. Nous avons là un indice très important pour éclairer les questions qui se posent à nous. Habituellement, nous essayons de les résoudre au moyen de la réflexion, en pesant le pour et le contre et en prenant une décision conforme au bon sens. Saint Ignace nous indique une autre voie, il nous conseille de prier gratuitement pour « parvenir à l’amour ». Alors, au moment où nous y pensons le moins, dans la prière, nous cueillerons les décisions de l’Esprit Saint.

Faisons nôtres son expérience : apprendre à chercher et trouver Dieu en toute chose. Demandons au Dieu incarné de toucher nos yeux, nos oreilles, notre bouche, tout notre être : pour qu’il nous dévoile sa présence au cœur de ce monde.

Questions pour un temps de méditation et/ou d’échangeQue signifie l’expression « chercher et trouver Dieu en toutes choses » pour moi ? Ai-je en mémoire une expérience précise où je peux dire que j’ai "vu" Dieu à l’œuvre ? Comment ? Dans quelles circonstances ? Quelle impression cela m’a-t-il laissée ? A quoi cela m’a-t-il invité et/ou m’invite-il encore aujourd’hui ? Qu'est-ce que je connais de la vie de saint ? (sur sa vie : clip original en anglais)

Bon début de Carême. La grâce de Dieu avec vous.

dimanche 7 février 2016

Oh, when the saints ! (4/5) : Thérèse Couderc, quand bonté rime avec miséricorde


Sainte Thérèse Couderc (canonisée par Paul VI) est une grande femme du 19e siècle. Elle a beau être née dans un tout petit village d’Ardèche (sud de la France), elle dit volontiers : « Mon cœur est grand comme le monde ». C’est elle qui fonde, en 1826 à Lalouvesc, la première maison et communauté des sœurs du Cénacle pour ouvrir les retraites spirituelles aux femmes de son temps, les accueillir et les accompagner dans leur rencontre avec le Dieu de Bonté. En effet, un jour après la communion, elle reçoit la grâce de voir comme Dieu voit : la grâce de voir la Bonté de Dieu en toutes les créatures ! Une révélation à accueillir pour aujourd'hui.

« Je n’ose donc rien vous dire de moi, ma très Révérende Mère, sinon que le bon Dieu me gâte toujours un peu en me faisant goûter le bonheur à son service, quoique je ne le mérite pas, mais heureusement il ne considère pas nos mérites pour nous donner ses grâces, mais uniquement sa grande miséricorde. J’ai eu il y a quelques jours, une vue qui m’a bien consolée. C’était pendant mon action de grâces que je fis quelques réflexions sur la bonté de Dieu, et comment ne pas y penser dans ces moments-là, à cette bonté infinie, bonté incréée, source de toutes les bontés ! Et sans laquelle, il n’y aurait aucune bonté, ni dans les hommes, ni dans les autres créatures. J’étais extrêmement touchée de ces réflexions, lorsque je vis écrit comme en lettre d’or ce mot Bonté, que je répétais depuis longtemps avec une indicible douceur. Je le vis, dis-je, écrit sur toutes les créatures, animées et inanimées, raisonnables ou non, toutes portaient ce nom de bonté, je le voyais même sur la chaise qui me servait de prie-Dieu. Je compris alors que tout ce que ces créatures ont de bon et tous les services et les secours que nous recevons de chacune d’elles est un bienfait que nous devons à la bonté de notre Dieu, qui leur a communiqué quelque chose de sa bonté infinie, afin que nous la rencontrions en tout et partout. »  (Lettre de Ste Thérèse Couderc du 10 août 1866)

Méditation en musique sur la bonté J Connaissez-vous la récente confidence du Pape François à une sœur du Cénacle ? A lire sur http://www.ndcenacle.org/francois-cenacle.html

Faisons nôtre cette expérience spirituelle de mère Thérèse qui voit la bonté inonder toutes les créatures.

Questions/réflexions pour un partage : parmi les personnes que je connais, il y en a peut-être une qui « respire » la bonté ? Qu’est-ce qui me fait dire cela : les traits de son visage, son caractère, sa générosité, sa douceur… ? Je rends grâce pour cette personne, le bien qu’elle me fait et qu’elle sème autour d’elle. En allant au travail ou à l’université cette semaine, en marchant dans la rue, en prenant le métro, le bus, le tram, en faisant les courses, il m’est donné de voir de nombreuses personnes que je ne connais pas. Je m’exerce à regarder chacune en voyant sur elle le mot de Bonté et en prenant conscience que Dieu l’aime, même si elle ne Le connaît peut-être pas encore. Qu’est-ce que cet exercice produit en moi : étonnement, émerveillement, louange, réaction, doute, incrédulité, confusion… ?

Bonne entrée en Carême, période de cadeaux du BON Dieu : vivons résolument de cette bonté qui vient de Dieu et qui est offerte à tous.